La septième fonction du langage

Laurent BINET, Prix Interallié 2015 (GRASSET)

Pitch

« A Bologne, il couche avec Bianca dans un amphithéâtre du XVIIe et il échappe à un attentat à la bombe. Ici, il manque de se faire poignarder dans une bibliothèque de nuit par un philosophe du langage et il assiste à une scène de levrette plus ou moins mythologique sur une photocopieuse. Il a rencontré Giscard à l’Elysée, a croisé Foucault dans un sauna gay, a participé à une poursuite en voiture à l’issue de laquelle il a échappé à une tentative d’assassinat, a vu un homme en tuer un autre avec un parapluie empoisonné, a découvert une société secrète où on coupe les doigts des perdants, a traversé l’Atlantique pour récupérer un mystérieux document. Il a vécu en quelques mois plus d’événements extraordinaires qu’il aurait pensé en vivre durant toute sa vie. Simon sait reconnaître du romanesque quand il en rencontre. Il repense aux surnuméraires d’Umberto Eco. Il tire sur le joint. »

« Le point de départ de ce roman est la mort de Roland Barthes, renversé par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980. L’hypothèse est qu’il s’agit d’un assassinat. Dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque, tout le monde est suspect… »

Avis (avec Spoil)

Jouissif, écriture gourmande impeccable. Un polar intello et populaire. Bravo ! A mettre en toutes les mains. J’ai laissé la quatrième de couverture dans son entier (dans le pitch), car tout est dit. J’imagine qu’elle est écrite de la main de l’auteur. Pour ça encore, il faut le féliciter. Roman rocambolesque, roman d’espionnage, réflexion sérieuse, mais jamais ennuyeuse sur la place — pardon, la fonction — du langage dans notre société. Existe-t-il une 7ème fonction en plus des 6 fonctions exposées par Jakobson ? Une fonction magique, incantatoire, qui ferait du langage un outil de pouvoir absolu. Celui qui la maitriserait, pourrait être président de la république, contrôler les foules, convaincre les suspicieux, modeler le monde à sa main. Barthes avait-il trouvé comment utiliser cette fonction juste avant de se faire écraser au sortir d’un déjeuner avec Mitterrand ? Umberto Eco en est-il le dépositaire ? Quel est ce mystérieux Logos Club qui se réunit en secret pour s’affronter à coup de joutes oratoires ? Et qui coupe un doigt aux perdants…

Documenté et joyeux, le livre souvent satirique décrit dans la première partie la France intellectuelle et politique des années 1980 et 1981, dans toute son impertinence, sa grandeur et sa décadence. Des moments hilarants, BHL en prend pour son grade, Sollers finit émasculé, Edern Allier, l’homme de l’idiot international, est délirant et grotesque, Foucault aime les saunas et les jeunes éphèbes, Mouati les gâteaux, et Fabius énerve déjà le Sphinx.

Bref, on rigole, et l’on n’aimerait voir la tête des survivants de cette époque, quand ils ont découvert ce roman. BHL ? Un commentaire ? Gageons qu’aucune des sommités caricaturées et calomniées n’osera réagir. Dans un roman qui prend Barthes pour sujet, confondre identité et personnage, réel et réalité, serait une faute majeure. Ils ne s’y risqueront pas.

Le ventre du roman, le milieu, est un poil long (histoire de faire un reproche), mais l’écriture jubilatoire gomme sans problème quelques temps morts.

La dernière partie est simplement excellente. Où l’on découvre le grand Protagoras (Umberto Eco) et une fin digne d’un polar ; où le héros l’emporte sans arme, face à un parrain de la Camorra…

Je retiens

À peu près tout… le binôme du flic bourru, Jacques Bayard, assisté par Simon Herzog, jeune universitaire spécialiste en sémiologie, qui fonctionne très bien. La qualité des dialogues, la documentation, le rythme… Enfin bref, il y a trop à dire, lisez-le !

 

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