Au revoir là-haut

Pierre Lemaitre, Albin Michel 2013, Livre de Poche 2015, Prix Goncourt 2013.

4ÈME DE COUVERTURE

« Ils ont miraculeusement survécu au carnage de la Grande Guerre, aux horreurs des tranchées. Albert, un employé modeste qui a tout perdu, et Edouard, un artiste flamboyant devenu une « gueule cassée », comprennent vite pourtant que leur pays ne veut plus d’eux. Désarmés, condamnés à l’exclusion, mais refusant de céder au découragement et à l’amertume, les deux hommes que le destin a réunis imaginent alors une escroquerie d’une audace inouïe… Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants. Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose avec talent la grande tragédie de cette génération perdue. »

AVIS

Un bon héros est un héros mort et son souvenir suffit amplement à la Nation. Sa bravoure, son sacrifice c’est tout ce qu’il faut retenir de lui. Les rescapés, les vivants ? Ils sont sales, démembrés, défigurés, pas question qu’ils représentent la France alors qu’elle doit encore se reconstruire. Exaltons nos morts, cachons nos survivants. D’ailleurs, honte à eux d’être encore en vie. C’est même suspect. Ils sont sûrement un peu lâche…

Lendemain de Guerre, histoire de famille, vengeance, écriture savoureuse, juste, cynique, drôle…du grand art !

Un seul bémol, je n’ai pas totalement cru à Edouard, ce personnage fantasque de gueule-cassée. Il porte des masques exubérants – pour cacher son visage dont il ne reste que le haut -, et glousse comme un dindon. C’est pourtant l’un des personnages principaux du livre. C’est lui qui retrouve goût à la vie lorsqu’il fomente ce plan merveilleux : vendre sur plan des monuments commémoratifs à un maximum de commune en France. Profiter de la ferveur de la nation pour encaisser le plus d’acompte possible sur les commande et partir avec la caisse- sans jamais réaliser un seul monument, bien sûr..

J’ai préféré Albert, son acolyte. Plus juste, moins burlesque. Peut-être était-ce un peu en trop… pour moi ? Mal assorti au contexte. Enfin, je ne sais pas. Par contre, j’ai adoré le lieutenant le lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle, un vrai salaud, un cynique, qui en plus d’être responsable du sort d’Albert et d’Edouard, à trouver le moyen d’épouser la sœur de ce dernier (personnage excellent également). Il est le seul à savoir qu’Edouard est encore en vie et le cachera jusqu’au bout à sa femme qui pleure la mort de son frère. Mâle alpha dans toute sa splendeur, il s’enrichie sans vergogne sur les réparations de l’après-guerre. Introduit dans le monde des affaires en usant du nom de son illustre beau-père, il remporte le marché des cimetières de guerre. Marché juteux et morbide qui requiert un minimum de bienséance, mais il n’en a pas. Il rogne sur toutes ses obligations : fait livrer des cercueils trop petits pour faire des économies, fait entasser des ossements sans les identifier, sous-traite, etc…

Le personnage de Merlin, fonctionnaire terrible et zélé, est aussi très intéressant. C’est un monstre sale, aigri, puant, mais d’une grande humanité et finalement incorruptible au-delà du raisonnable. Lui-aussi c’est un personnage de contes. Une sorte d’ogre dont personne ne veut vraiment, ni l’administration qui l’emploie (il dérange une machine qui n’aime pas les scandales), ni évidemment les personnes qu’il contrôle dans le cadre de ses missions.

Le père d’Edouard est également très bien. Mal alpha, lui-aussi (comme son gendre), mais dans la version vieillissante. La scène où il prend conscience, qu’il a perdu son fils définitivement (des années plus tard) est poignante. Et les scènes avec son gendre sont savoureuses.

Deuxième Goncourt de mes fiches 2016 (je rattrape mon retard) et un vrai grand bonheur !

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